Fondation Derouin, Val-David (Qué).

Réalisation d’une installation in situ lors de l’événement international d’art in situ organisé par la Fondation Derouin. Commissaire Danielle Lord.

Matériau utilisé : fil de pêche et cristaux de verre. Dimension : 12 x 5 pieds
La tension des fils...
Le silence la nuit venue...

Le décloisonnement des disciplines, la multiciplicité des points de vue, l’enrichissement de la pensée scientifique et créatrice dans une complicité d’étude, tous les champs disciplinaires participent à la relecture de ce que nous sommes en tant qu’organisme vivant, en tant que petites unités animant un tout.

Texte sur le processus créatif en regard avec la thématique du voyage :

L’invitation à participer au Symposium et surtout à développer autour de la thématique du voyage a été un véritable incubateur d’idées de création. Le thème du voyage s’est métamorphosé en un étrange périple au cœur du processus créatif. Aux multiples tentatives de cerner une idée plutôt qu’une autre, aux multiples chemins que j’ai empruntés et à ces dérivations, il m’a semblé que pénétrer la forêt (ou l’esprit de la forêt), en gardant en tête le voyage, donnait un point de vue particulier à cette aventure.
Afin de traduire cette démarche créatrice, j’emprunte ce magnifique titre d’un livre du philosophe allemand Martin Heidegger ‘’Les chemins qui ne mènent nulle part’’. “Dans la forêt, il y a des chemins qui, le plus souvent, se perdent soudain, recouverts d’herbes, dans le non-frayé. On les appelle Holzwege.” Certains sentiers traversent la forêt, d’autres en contournent l’obstacle, quelques-uns la pénètrent pour s’y perdre. Ceux-là sont sans issue : ils ne mènent pas, ils reviennent. Ouverts par le retrait des arbres abattus, ils n’ont frayé la voie que du cheminement.
Comme un magnifique labyrinthe, combien de chemins empruntés ont laissé libres la voie à d’autres pensées à revoir, à réfléchir de nouveau. Ces pistes sont à l’image de la voyageuse que je suis.
Chaque pas me donne un tout autre point de vue. Le rapport que j’établis constamment entre l’homme et la nature est le fil d’Ariane de cette histoire tissée, fuselée et qui semble composer une immense toile, et pourquoi pas une immense toile d’araignée ! La toile d’araignée est l’image de cette marche labyrinthique, de cette recherche du sentier qui me mène vers un lieu de création. Le labyrinthe, écrit W. Benjamin, est la patrie de celui qui hésite. Tout artiste doit trouver son “Holzweg”. Les “Holzwege” désignent les chemins (“Wege”) qui s’enfoncent en forêt (“Holz”), afin que l’on puisse en ramener le bois coupé (“Holz”). Ces chemins qui ne mènent nulle part sont aussi, métaphoriquement, des chemins peu sûrs, exposés à tous les périls, à tous les risques de l’errance et de l’erreur : selon Wolfgang Brokmeier, le traducteur d’Heidegger, ils sillonnent “la forêt, le Holz, la Hylé, la sylve de l’être, c’est-à-dire de la vérité en son retrait toujours renouvelé”. Citation de Fabrice Trepoz. L’artiste rebelle. Lyon.

En consultant le livre tibétain de la vie et de la mort de Sogyal Rinpoché, j’ai l’impression de saisir un peu mieux l’expression du lien ‘’ primaire’’ entre l’homme et la nature que je tente d’évoquer.

Si tout est impermanent, alors tout est ‘’ vide’’, c’est-à-dire sans existence intrinsèque, stable ou durable. Et toutes choses, comprises dans leur véritable relation, sont vues non comme indépendantes mais comme interdépendantes. Le Bouddha comparait l’univers à un immense filet tissé d’une infinie variété de diamants étincelants. Chaque diamant, comportant un nombre incalculable de facettes, réfléchit tous les autres diamants du filet et ne fait qu’un avec chacun d’entre eux. (…) Pensez à un arbre (…) si vous le contemplez, vous constaterez qu’il se dissout en un réseau extrêmement subtil de relations s’étendant à l’univers entier : la pluie qui tombe sur ses feuilles, le vent qui l’agite, le sol qui le nourrit et le fait vivre, les saisons et le temps, la lumière de la lune, des étoiles et du soleil – tout cela fait partie de l’arbre. (…) à chaque instant, sa nature se modifie imperceptiblement.